Ce brave pépé exploitait cette petite ferme. Il était droit comme un "i" raide comme la justice, il grommelait plus qu'il ne parlait, il
n' était pas permis à tout le monde de le comprendre, dans un patois qu'il marmonnait de sa voix rauque et
saccadée de plus son mégot de tabac "gris" qu'il portait toujours au coin des lèvres l'empêchait d'articuler.
Il a péniblement gagné sa vie aidé des ses deux ânes dont l' un s'appelait "Bijou" ce qui lui valut son surnom.
Certains jours de brouillard on entend encore le pas lent des deux bêtes, ponctué d' un "haïe Bijou", tirant leur tombereau rempli de topinambours dont les roues en bois émettent un bruit sourd en heurtant les gros cailloux pavant grossièrement les petits chemins creux aujourd'hui disparus pour raison de remembrement.
Ah le remembrement ! cela n' a pas été facile à notre brave pépé, d'échanger des champs que ses parents avaient achetés, par
d' autres forcement moins "bons".
Comment imaginer qu' on puisse abandonner des terres baptisées par ses propre ancêtres : "les Plancholles" "les marins" "les gravelles" "l'ouche" ou encore "la guillotine", pourquoi ce nom barbare ? pour accéder à ce champ il fallait passer par un passage à niveau de l'ancienne voie ferrée, équipée d'une barrière basculante qui n'a coupée
la tête de personne .
Dans sa maison il vivait très modestement dans une seule pièce, celle à la grande cheminée où il préparait ses repas, au milieu une grande table, au fond deux lits à rouleaux garnis d'un matelas en balle d'avoine, au plafond une clayette avec le pain et une autre avec les fromages. L'autre pièce, aujourd'hui la cuisine, servait de débarras, à l'automne il y mettait les pommes qui embaumaient la maison.
C'est certainement un de ses ancêtres maçon creusois qui a voulu montrer, de retour au pays, ce qu'il avait appris à Paris et qui a réalisé les moulures du plafond pas du tout courantes dans la région. Enfin le premier étage servait de grenier à céréales.
Bijou pris sa retraite à la fin des années 60, depuis on le voyait le plus souvent assis sur les marches du perron ou devant la cheminée surveillant la soupe qui mijotait des journées entières dans la marmite. Vers midi une petite poêle couvrait un coin de braises, dedans, une côte de porc et des petites pommes de terre parsemées des herbes du jardin.
Quand on entrait chez Bijou on croyait franchir la barrière du temps, on en ressortait toujours émerveillé par l'ambiance, les petites histoires d'antan, le fumet d'un civet ou d'un rôti, et parfois un petit peu enivré par le petit coup de rhum du premier janvier.
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